Enfin le jour tant attendu arrive, les sacs sont prêts depuis longtemps et les décisions stratégiques sur quoi porter et plus important encore quoi mettre dans le sac à dos en cabine pour ne pas obérer le succès de notre trek en cas de perte du bagage en soute contenant les équipements chauds pour l’assaut final ! La suite a démontré que le scénario était plus que réaliste, une dame d’un groupe voisin s’est retrouvée sans son sac de soute et n’avait pas pris les mêmes précautions que nous. Galère en perspective !

TER + TGV puis 3 avions plus loin Kilimandjaro à 6000km de nos Bauges favorites, dur pour le bilan carbone et les frais de co-avionage, Kili que certains verront dès ce soir depuis le Lodge.

Piscine, douche et c’est l’heure du briefing, à vrai dire l’heure n’existe pas en Afrique puisque nous les occidentaux avons les montres, ici en Afrique on a le temps selon la devise Touareg.

Kilimanjaro escaladé en 1889 par un Allemand Hans Meyer et son guide Johane Laouro Tanzanien. On écoute les consignes du guide Godslove, Gody, 3 sacs à préparer celui qui reste à l’hôtel, le sac confié aux porteurs et le sac à dos qu’il faudra recomposer au fil des étapes, complexe mais on devrait y arriver.

Première et dernière nuit à l’hôtel avant le départ, on en profite.

Jour  1:

Le départ se fait à peu près à l’horaire annoncé, tassés dans un minibus pour presque 3 heures de route et de piste jusqu’à la porte Nord du parc à 2100m d’altitude. Picnic et c’est le départ pour le premier camp à 2820m en pleine forêt, on apprend vite ce que veut dire « pole pole» doucement, « jumbo jumbo » bonjour à chaque fois qu’il faut laisser passer les innombrables porteurs « Asante sana » merci beaucoup et « caribou sana » de rien , et bien sûr « akuna matata »pas de problème pas de soucis.

Des singes agrémentent notre route et nous arrivons au camp Mkubwa à 2820m d’altitude après 6km et 600m D+ où les tentes sont dressées et où un repas chaud nous attend. 400 personnes en tout ici pour l’ensemble des trekkers, c’est assez impressionnant.

Nuit moyenne et café servi sous la tente par Ben notre porteur serveur, on va prendre de mauvaises habitudes avec le café au lit.

26 personnes pour notre groupe de 7, avec 3 guides, 1 principal et 2 aspirants, 1 cuistot, 1 serveur et 21 porteurs dont certains ont une deuxième fonction, serveur, plongeur, toilettes, tentes, excusez du peu, sans compter le gardien de nuit ! Ça nous change d’Azimuts avec un guide et un serre-file.

Jour 2 :

On quitte la forêt pour atteindre une zone de végétation dense où les arbres ont maintenant disparu. Marche agréable et soudain le Kili apparaît avec ses neiges légendaires dans toute sa splendeur mais ne se laisse vraiment admirer que sur sa face Nord, l’autre côté étant dans les nuages dès 10h du matin, ce sera pour plus tard. Bien que le rythme soit très lent « pole pole » acclimatation oblige, on sent l’altitude après deux jours démarrés à 2100m notre porte d’entrée pour la voie du Nord. On a très vite compris les deux conditions essentielles de succès : « pole pole » et 3l d’eau par personne et par jour quelle que soit l’activité.

Arrivée au camp Shira 1 à 3500m après 8km et 960 D+ où tout est déjà prêt. Soupe au potiron et spaghetti bolognaise avec parmesan local, ce n’est pas trop mal pour notre repas de midi, servi sous la tente mess pour notre sympathique groupe entre 27 et 70 ans, jeune à futur ex jeune donc, Elisabeth V., Mathieu F., Michele M.,.Philippe H., Pierre-Yves C., Thibaut P., et Alain M.

Démonstration de caisson hyperbare après la toilette de rigueur. Alain ne résiste pas à l’idée de descendre de 2000m en moins de 5 min, le médecin montagne de Chamonix ayant insisté sur l’importance du test grandeur nature pour s’assurer du bon état de fonctionnement du matériel, en route donc pour 1400m depuis notre camp a 3500m pour Alain!

Jour 3:

Le Kili est totalement dégagé ce matin et nous partons pour une rando douce, 300m D+ et 7km. Aujourd’hui c’est Barraka, aspirant guide qui nous mène au pas de l’acclimatation 1,5 à 2km/h. Toute l’équipe va bien. Arrivée au camp dans les volutes de nuages sur la crête. Déjeuner avec le plat traditionnel Tanzanien Machalari.

Cérémonial immuable à l’arrivée au camp Shira 2 à 3890m, noter tout les trekkers, leur sexe , âge et nationalité.

De la même façon, scrupuleusement et ce ce jusqu’au sommet, matin et soir Godslove notre guide note notre saturation en oxygène, s’informe sur notre diurèse, transit intestinal, appétit, sommeil , éventuelles nausées, vertiges, céphalées, prise de médicaments et donne les consignes de boisson pour le lendemain.

Jour 4 :

Étape d’acclimatation par excellence, montée à 4600m, Lava Tower pour redescendre à 4200m à Moir Hut.

Là encore nos azimutiens impressionnent par leur maîtrise du sujet, le sommet étant atteint tout en douceur. Descente au pas de course pour le poulet-frites crudités.

Pas moins de 120 tribus différentes composent la population Tanzanienne avec autant de langues différentes dont la plupart sont transmises par voie orale. Langues officielles le Swahili et l’Anglais. Ancienne colonie allemande la Tanzanie est passée sous contrôle britannique. République indépendante depuis 1984 après une révolution sanglante, le pays compte 62 Millions d’habitants pour 945000 km². La ressource principale aujourd’hui est l’agriculture et l’industrie minière mais où le tourisme et en particulier l’organisation de treks vers le Kilimanjaro à partir d’agences occidentales travaillant avec des antennes locales aidé par une excellente stabilité politique contribuent à accélérer la mutation.

Jour 5:

« Sac à dos à dos » notre petit groupe est maintenant bien rompu à ce signal de départ.

45000 tentatives d’ascension par an. Les taux de réussite varient grandement d’une voie à l’autre, Machame, la plus utilisée a un taux de 50% de réussite environ alors que la voie du Nord avec une bien plus longue acclimatation a un taux beaucoup plus élevé autour de 90%! Globalement du fait de la réputation de facilité d’accès au Kili les agences peu scrupuleuses n’hésitent pas à envoyer des clients à l’assaut de ce presque 6000m dans des conditions très discutables.

Notre guide Godslove après deux ans comme porteur, a passé son diplôme et exerce depuis maintenant 10 ans son métier. Il emmène chaque année jusqu’à 20 treks pour des clients d’agences occidentales sous traitant aux agences locales qui emploient les guides à la mission, aucun n’étant salarié, vous avez dit précarité.

Il a bien gelé au camp pour la 3ème nuit consécutive ce qui rend les AR nocturnes à la tente toilette difficiles . Départ avec une météo favorable, nonobstant un petit vent facétieux somme toute assez présent. Marche dans paysage quasi lunaire avec ça et la des petits bouquets de fleurs. Arrêt déjeuner sur un col ou tout est installé pour notre excellent repas chaud sous la tente mess assis sur nos chaises avec la tente toilettes installée non loin. Reprise de la randonnée pour rejoindre le camp Buffalo à 4020m où nous sommes seuls au monde. Récompense de nos fidèles accompagnateurs par des chants et danse traditionnels dont « Akuna matata et Kilimanjaro »

Jour 6:

« Twende twende » allez allez, le vocabulaire s’enrichit.

Mais au fait pourquoi avoir choisi cette voie ? La moins empruntée, plus longue donc acclimatation meilleure et enfin météo globalement plus favorable que par les autres voies en raison des alizés.

Mont Mawenzi en vue après le passage d’un col, troisième sommet d’Afrique à 5149m après le Mont Kenya 50m plus haut. Le Mawenzi peut s’escalader mais présente des risques sérieux de chutes de pierres notamment.

Arrivée au camp Third Cave à 3800m pour le déjeuner, toutes les tentes sont dressées.

Ce soir les porteurs vont monter 120l d’eau au camp de base à 4700m depuis notre camp du jour à 3800m soit 4h AR !

Pour nous, farniente après le repas, l’ascension est pour demain minuit !

En attendant on prépare « les copains d’abord » pour chanter à notre équipe dévouée au moment opportun, entrainés par notre chef de chœur Mathieu, professeur de musique.

Jour 7 :

800m de dénivelé annoncé sur 17km pour rejoindre le camp de base à 4700m. Marche dans un chaos de rochers volcaniques avec le pic Mawenzi et le Mont Kenya en ligne de mire et un ciel sans nuages.

Régime spécial ascension avec déjeuner à 13h, dîner à 17h30 pour un départ à 23h30 à l’assaut des 7km et 1195m D+ du sommet.

Jour 8 :

Nous sommes très ponctuels pour le grand départ après la préparation des sacs, porteur et à dos et c’est quasiment à jeun (pour ne pas puiser la moindre énergie dans une digestion parasite), avec nos 3 l d’eau comme d’habitude mais avec 5 couches en haut et 3 couches en bas avec chaufferettes pour les pieds et les mains que nous nous lançons très « pole pole » à l’assaut de notre Graal avec un réveil à 22h30 pour un départ à 23h30 donc.

Il y a 2000 guides et 20000 porteurs intermittents engagés au gré des treks qui ne se déroulent que de Novembre à fin Février et d’Avril à Septembre en saison sèche, beaucoup plus en réalité. Très peu de femmes dans ces métiers très physiques. Elle ont un job à plein temps par ailleurs.

Un guide pour 2 clients c’est la règle pour l’ascension du sommet.

Le départ est donné.

La montée est longue, 1195 D+, les organismes sont soumis à rude épreuve, on atteint Gilman’s point à 5h15, il fait encore nuit noire,

puis Stella Point en contournant la caldera

https://youtube.com/shorts/xUR04CLfKF0

pour atteindre finalement Uhuru Point tous ensemble à 5895m à 7h20 et en bonne forme et c’est bien le principal, puis c’est la séance de photos avec beaucoup de concurrence pour le spot.

Entretemps le soleil s’est levé sur le Kili dévoilant des champs de cupules et les glaciers, comme quoi les neiges du Kilimandjaro ne sont pas un mythe même si ici comme ailleurs la marche inexorable des conséquences du changement climatique est clairement en route.

Dans la foulée descente au camp 3800, soit 2100m de descente pour un repas plutôt frugal suivi de 700m , l’ensemble cumulé laissera des traces dans les cuisses, les genoux et fera dire à Philippe « qu’il s’agissait d’un gros caillou dans sa chaussure » . Longue journée donc mais le camp 3100 est magnifique au cœur de la forêt, la fréquentation par contre est digne d’un camping sur l’Atlantique en Juillet !

Jour 9 :

Séparation d’avec l’équipe ce matin, nous ne redescendons qu’avec les guides pour 1600m D- heureusement plus facile que la veille.

Nous avons droit à un touchant au revoir en chansons traditionnelles.

À la porte Mweka Gate 1640m, formalités de récupération des diplômes d’ascension du Kili et séance photo.

Retour à l’hôtel après un passage dans un magasin d’artisanat et à un restaurant local à Moshi pour prendre du repos et une douche bien mérités pour conclure cette exceptionnelle aventure.

Jour 10 :

Pour bien montrer qu’on n’est pas que des brutes capables d’enchaîner 14h de marche pour 1200 D+ et 2800m D- sur 20km en une journée, mais qu’on est aussi capable de contemplation et d’émerveillement, un jour de safari est greffé à la fin du trek, mais attention moitié en véhicule et le reste en randonnée.

Buffles, zèbres et phacochères nullement impressionnés par le ballet des véhicules puis ce sont les babouins et singes bleus en familles déroulant leurs facéties.

Pour finir les flamands roses puis pour notre plus grand bonheur un groupe de girafes très occupées à brouter que notre présence ne gêne manifestement pas.

L’après-midi nous quittons le chauffeur pour partir avec un guide du parc armé d’un fusil d’un gros calibre de la guerre de 14 pour 4h de randonnée pédestre. Le fusil est là pour défendre le groupe de l’attaque éventuelle d’un buffle isolé ! Rassurant tout ça.

Après un jeu de devinettes sur la collection de crânes de la faune du parc on part à la rencontre des buffles, zèbres, phacochères et autres girafes qui se laissent approcher à moins de 10m. L’expérience de rencontre de ces animaux dans leur environnement sans aucun artifice fut un très grand moment.

Merci d’avoir lu ce récit jusqu’au bout. Merci aux 5 personnes du groupe Allibert Trekking avec qui le contact a été immédiat. Enfin, une note particulière pour Elisabeth sans qui le voyage n’aurait pas été le même.

Alain M,

Catégories : Privé

16 commentaire

Anne-Marie Ziolkowski · 26 février 2024 à 18h09

Merci pour ce grand moment de partage, bravo à nos winners ! Comme quoi…tout est possible !
et surtout, à notre petit bout de femme, seule, parmi tous (ses) hommes !
Il y a des images qu’on a envie de retenir…des plus paisibles que d’autres…sans aucun doute, inoubliables pour vous ! Mes respects à tous les 2

    admin8598 · 26 février 2024 à 18h42

    Merci pour ton super commentaire qui nous va droit au cœur!

QUERE MARIE THERESE · 26 février 2024 à 19h07

Merci beaucoup pour ce partage
Que d’émotions ressortent de ce récit , en lisant on est un peu dans votre aventure
Tes vidéos sont magnifiques et rendent hommage aussi à vos accompagnants.
Très beau récit
Merci encore
A bientôt sur nos chemins

    admin8598 · 26 février 2024 à 19h30

    Merci Marie-Thé de ton gentil commentaire, nous sommes très heureux de pouvoir partager cette extraordinaire expérience.

CHARLES CHANTAL · 26 février 2024 à 20h15

Merci pour ce beau reportage.
On le vit en voyant ces belles photos et vidéos.
C’est émouvant !
Les paysages sont splendides !
La vie de ces hommes à l’autre bout du monde est encore plus touchant et ne nous laisse pas
indifferent ….
Merci Alain et Elisabeth

    admin8598 · 26 février 2024 à 21h03

    Merci Chantal pour ton témoignage, notre aventure a été humaine au moins autant que challenge personnel.

Roseline · 27 février 2024 à 9h58

Merci pour ce partage Alain et Elisabeth. Quel bonheur à la lecture de récit, on a l’impression d’y être ! Une belle aventure humaine ! 🙏🫶

BON · 27 février 2024 à 14h38

merci pour ce récit qui fait rêver
allez à un de ces quatre pour un deux mille bien de chez nous !

freckmann marie - claire · 28 février 2024 à 19h18

Jumbo jumbo les amis , je n’avais aucun doute qt à vos capacités d’ atteindre le sommet mais tt de même ça vaut bien un grd bravo et surtout à toi Elisabeth , seule au milieu de ts ces hommes !
Les vidéos me ramènent 12 années en arrière qd moi aussi je m’ étais trouvée au sommet du Kili avec des amis handicapés . L’émotion est tjrs présente …….
Asante sana

    admin8598 · 28 février 2024 à 21h13

    Je confirme qu’Elisabeth a été extraordinaire de bout en bout.

marie hélène · 12 mars 2024 à 20h04

le partage du récit, les photos, les vidéos des chants, une magnifique communion entre les humains et cette nature grandiose…une très belle aventure humaine

    admin8598 · 12 mars 2024 à 20h09

    Merci pour ce beau commentaire. Je te reconnais bien là.

Delphine · 16 avril 2024 à 22h15

Merci pour ce témoignage empreint d’émerveillement et d’émotion vive!… Une fraction de vie qui laisse un souvenir éternel, une aventure humaine audacieuse et exceptionnelle qui mérite de sincères applaudissements, merci pour ce partage en couleur, en relief, en musique… Vous nous rappelez qu’il faut dépasser nos peurs pour faire éclore la magie de la vie, gratitude !…

    admin8598 · 16 avril 2024 à 22h27

    magnifique commentaire, j’en reste sans voix, merci Delphine.

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